Media Angels: lancement d'enquêtes participatives citoyennes initiées par Planète Vagabonde
- Isabelle Alexandrine Bourgeois
- 4 avr.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 avr.
À l’heure des algorithmes et des médias «financiarisés», faire des citoyens curieux des reporters volontaires devient un impératif démocratique. Bienvenue aux «JournaCitoyens» ou au «Media Angel», ce lambda qui se pose des questions et qui veut aussi voir le monde en beau.

Le terrain pour boussole Face à la montée des croyances, des récits fantasmés par des dirigeants déconnectés de la réalité, il devient crucial de fonder l’information sur des faits vérifiés, issus du terrain. Plus que jamais, le témoignage direct, la photographie brute, le document authentique ont une valeur inestimable. Dans un monde saturé d’opinions, de délires et d'images artificielles, seul le réel peut servir de socle commun. Et seul un réseau de citoyens curieux et engagés peut garantir cette présence permanente sur le terrain, en commençant autour de soi.
Il suffit d’observer la manière dont l’information circule aujourd’hui pour mesurer le fossé qui se creuse entre les faits et leur représentation médiatique. Les jeux d'influences, les guerres de pouvoir et de propagande, et plus récemment l’intelligence artificielle, transforment en profondeur les pratiques journalistiques. Loin du terrain, nombre de journalistes se contentent désormais des dépêches d’agences dont la ligne éditoriale est de plus en plus dictée par des intérêts économiques et idéologiques ou par la source d'informations infinie que représente aujourd'hui l'IA. Le temps où le journaliste faisait du porte à porte pour récolter des témoignages est révolu ou presque.
Les agences de presse, souvent aux mains de milliardaires aux visions politiques tranchées, imposent des récits standardisés, anxiogènes, toilettés ou orientés. Ce glissement progressif vers un journalisme de bureau et de la peur ne relève pas seulement d’une mutation technique, mais d’une rupture inquiétante avec la réalité.
L'exemple le plus criant aujourd'hui s'illustre avec le récit va-t-en-guerre de nos dirigeants européens qui perçoivent la Russie comme une menace pour chacun de nous au point d'exciter la jeunesse à prendre les armes, envers et contre tout.
Seul petit détail qui a son importance et qui est réjouissant: d'une part les Russes s'en contrefichent de l'Europe et n'ont aucune ambition de nous envahir; d'autre part personne ici n'adhère à ces vociférations et gesticulations pathologiques de nos autorités, malgré le renfort de médias complices appelant au génocide des peuples «au nom de la paix».
Dans l'esprit dérangé de nos dirigeants, les Russes nous veulent du mal, mais sur le terrain, les jeunes Ukrainiens et Russes sont las d'être envoyés à l'abattoir pour des fous qui nous (les) gouvernent. Cette dystopie entre ce qui est dit sur le papier et sur ce qui se vit sur le terrain n'est plus tenable.
D'une manière générale, les sujets dits «hors bien-pensance», «hors système», «inspirants et constructifs» ne trouvent plus de place dans les colonnes de la presse conventionnelle.
Les questions sociales à faible visibilité, les injustices localisées, les initiatives citoyennes positives de terrain ou encore les effets secondaires des politiques publiques disparaissent des écrans quand elles ne sont pas «vendues» ou relayées de manière sectaire. Pourtant, ces réalités quotidiennes, bien que discrètes, façonnent nos vies.

En marche, reporters de rue! C’est ici qu’intervient la nécessité d’une mobilisation citoyenne forte et structurée. Non pas pour rivaliser avec les médias traditionnels, mais pour rééquilibrer le paysage de l’information, promouvoir une information qui élève, offrir une voix aux sans-voix, une lumière aux zones d’ombre et aux histoires de terrain en particulier. Le journalisme citoyen, lorsqu’il est rigoureux et guidé par le souci de vérité, peut apporter une réponse à la défiance croissante envers les médias. Il reconnecte l'information à son essence : une enquête, une observation, un témoignage.
Prenons l’exemple d’un quartier populaire touché par une pollution industrielle ignorée des grands titres ou l'implantation discrète d’antennes 5G dans les zones rurales de Suisse romande ou des projets de forage pour le gaz de schiste, comme à Noville, dans le canton de Vaud. En 2011, une entreprise énergétique voulait y explorer le sous-sol à la recherche de gaz non conventionnel. Aussitôt, des citoyens se sont levés. Réunions publiques, pétitions, prises de parole dans les médias locaux, interpellations des élus : la mobilisation a été intense, précise, documentée. Grâce à cette vigilance citoyenne, le canton a finalement décrété un moratoire sur toute exploration de ce type. La victoire n’a pas été remportée par des lobbys ou des médias conventionnels, mais par des habitants, armés de leur détermination et de leur proximité avec le terrain. Parce qu'ils savaient. Parce qu'ils ont fait l'effort de se renseigner et de communiquer, à leur humble niveau.
Ce sont sont souvent des citoyens, armés de leur téléphone et de leur détermination, qui récoltent les preuves, interrogent les riverains, alertent les autorités. Dans les campagnes, ce sont des enseignants, des infirmiers ou des retraités qui documentent la fermeture de services publics ou la désertification médicale, travail, humble et tenace, qui constitue une matière précieuse pour une presse réellement indépendante, affranchie des impératifs de rentabilité et des influences politiques. Ils arpentent aussi les champs et le bord des rivières pour s'émerveiller sur une jeune primevère, une libellule en méditation ou écouter le chant d'une mésange à longue queue. Nous avons besoin de créer notre propre information, une danse équanime entre l'ombre et la lumière.

La stratégie de la nausée
Mais au-delà du silence des rédactions sur certains sujets, une autre stratégie encore plus pernicieuse s’est installée : celle de nous donner la nausée en saturant notre esprit avec des actualités omniprésentes et disparates, celle de noyer l’attention collective dans un océan d’informations contradictoires qui nous submergent.
Tout est dit, et son contraire. On sature le champ médiatique d’images, artificielles ou non, de polémiques creuses ou réelles, et de nouveaux gadgets ou divertissements, de scandales et de faits divers. Ce flux ininterrompu finit par désorienter le citoyen, qui ne sait plus ce qui est vrai, ni même où chercher la vérité. Il en perd ses repères et, avec eux, sa capacité à réagir ou à se défendre. Il faut une attention à soi et à l'autre particulière, une conscience aiguisée et alerte, une foi encore vivante, pour ne pas finir en patate de sofa devant ses écrans.
Prenons le cas des épandages aériens, sujets sensibles s’il en est. Des traînées dans le ciel, des phénomènes inexpliqués sur la flore, des troubles de santé localisés... mais aucune enquête sérieuse, aucun relais national. Comment prouver la toxicité de ces pratiques quand chaque citoyen se sent isolé, sans moyens, sans accès à des instruments de mesure ou à des relais d’écoute ?
Pourtant, à travers la récolte d’échantillons dans la nature, des photographies systématiques, des échanges avec des employés de tours de contrôle ou des pilotes, des collaborateurs auprès d'entreprise de géo-ingénierie, de chimistes ou de patients malades, une vérité peut émerger. Si ces démarches restent isolées, elles peinent à convaincre. Mais multipliées par des centaines de journacitoyens, civireporters ou Media Angels, croisées, recoupées, elles deviennent des preuves, une matière brute pour des enquêtes rigoureuses et crédibles.

Une loupe sur le terrain
Le temps est venu de réinventer l’information, de la rendre à ceux qu'elle concerne, directement touchés par des mesures et des décisions institutionnelles.
C’est pourquoi je lance un appel à toutes celles et ceux qui refusent l’indifférence et les récits prémâchés. Rejoignez les journacitoyens, cette nouvelle génération d’enquêteurs de la rue et du quotidien, ces amoureux de la vérité et des projets qui nous réconcilient avec l'humanité. Ensemble, faisons entendre ce que les grandes rédactions taisent. Donnons à la vérité le goût du concret, la force du terrain, l’élan de la liberté et de la beauté.
Comment nous organiser?
Concrètement, il ne s'agit pas d'un job bénévole à plein temps! Nous sommes déjà très heureux si vous coopérez par petites touches ici et là, deux à trois fois par an, une photo, un témoignage filmé ou enregistré, un échange de mails ou de messages, etc... Tout ce qui constitue des preuves concrètes illustrant le sujet de notre enquête, qu'elle dénonce les mensonges ou qu'elle montre ce qui se fait de grand et de noble autour de nous.
Même une toute petite information peut faire une immense différence! Si vous êtes intéressés à rejoindre notre équipe, à raison de quelques missions par année, merci de contacter Isabelle A. Bourgeois (isabelle@planetevagabonde.com)
Nous allons créer un groupe sur Telegram spécialement réservé à nos enquêtes et sur lequel nous allons poser nos questions, partager nos besoins et lancer des lignes à la mer dans l'espoir de pêcher de bonnes informations. Quand tout cela sera mis en place, quand notre première enquête sera définie, nous lancerons un appel contributions journalistiques publiques.
Isabelle Alexandrine Bourgeois
Journaliste et fondatrice de Planète Vagabonde
Votez avec notre premier sondage sur les thèmes à traiter en priorité soit sur Telegram ou directement ci-dessous:
Quels sujets faut-il traiter en priorité?
0%Enfants maltraités ou négligés dans les crèches : l’omerta
0%Armes silencieuses à énergie dirigée
0%Publicité et ingénierie sociale dans l’espace public
0%Transparence des fonds publics dans les campagnes de comm
You can vote for more than one answer.
Quels sujets inspirants à traiter en priorité?
Ces Suisses qui donnent l'exemple, petits ou grands projets
Les tiers-lieux autogérés comme espaces d’expression
Le droit de choisir sa fin de vie, vécu de l’intérieur
Les écoles qui enseignent dehors, même en hiver
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