Guillaume Babarit, l'artisan-poète de la route
- Isabelle Alexandrine Bourgeois

- 8 août
- 3 min de lecture
C’est au hasard d’une escale vendéenne à bord de ma roulotte, posée dans le parc boisé du Château de la Flocellière, que j’ai croisé le regard d’un voisin nomade, à quelques pas de Mandoline. Cachée derrière une haie de forsythia, comme dissimulée à la frénésie du monde, une petite roulotte en bois, minuscule cocon façonné à la main, trônait fièrement sur ses roues. À son bord, Guillaume Babarit, paysagiste de formation, mais surtout artisan du vivant.

Il a cette parole douce, et cette lenteur qui respire la sagesse des forêts. À quinze ans, Guillaume a quitté l’école, non pas par rébellion, mais par élan. L’appel du bois, du cuir, du geste juste. Il est de ceux qui n’ont jamais supporté les bancs, mais ont toujours appris debout, dans les copeaux de bois, dans le silence d’une selle qu’on coud à la main, dans le chant discret d’une ficelle tressée à partir de joncs sauvages. Il est de cette lignée rare d’artisans-poètes, dont le savoir-faire s’inscrit dans l’écorce du monde.
Sa roulotte ? Sa troisième création. Un bijou d’ingéniosité et de sobriété. Guillaume y vit, y dort, y rêve, et y trace sa route à travers la France, au gré des rencontres, des saisons et des inspirations. Il ne possède que peu de choses, mais ses mains savent tout faire : elles jardinent, réparent, brochent, cirent, sculptent et aiment. C’est cela, peut-être, la véritable abondance : ne rien avoir, mais savoir tout créer.
Pendant la saison, Guillaume travaille au célèbre Puy du Fou, un parc à thème unique en son genre, qui propose des spectacles grandioses retraçant l’Histoire de France, des Vikings aux Mousquetaires. Mêlant cascades, effets spéciaux et scènes théâtrales, chaque mise en scène transporte les visiteurs dans un univers immersif et poétique que je vous recommande sincèrement. J'ai bourlingué moult fois autour du monde et la Cinéscénie est l'un des plus beaux spectacles que j'ai vu. C’est un voyage hors du temps où l’émotion et la beauté rivalisent avec la rigueur historique. Guillaume n’est pas seul, d’ailleurs, sur ce chemin de dépouillement volontaire. Je pense à Sylvain Tesson, l’ermite des cabanes sibériennes ; à la famille Poussin, qui a traversé le monde à pied avec ses enfants, refusant l'accumulation pour ne garder que l’essentiel; à Henry David Thoreau, philosophe et écrivain américain, qui a quitté la ville pour vivre deux ans seul dans une cabane près de l’étang de Walden. Il y écrit Walden ou la Vie dans les bois, un manifeste intemporel pour la simplicité volontaire et l’éveil spirituel. Tous, à leur manière, ont fait le choix d’une vie débarrassée du superflu, recentrée sur l’instant, le lien, la beauté.
Dans sa micro-maison roulante, Guillaume incarne cette philosophie avec une élégance silencieuse. Il crée des selles, des sacs, des ceintures, et même des objets inutiles mais essentiels, ceux qui font sourire ou rêver. Loin des diktats de la rentabilité, il travaille avec le temps de la nature et de la main qui pare sans se presser. Il nous rappelle que l’on peut encore habiter le monde sans le consommer, le traverser sans le conquérir, et y laisser une empreinte douce.
En le quittant, une idée m’a effleurée, à peine murmurée par le vent dans les branches : si je n’étais pas déjà si comblée par ma propre roulotte Mandoline, par mes propres choix de vie, j’aurais peut-être osé lui demander de me façonner une existence neuve, cousue main, à l’image de ses sacs et de ses roulottes, libres, poétiques, un brin bohèmes.
Car oui, le luxe aujourd’hui n’est plus dans la possession, mais dans la capacité de se détacher. Dans la lenteur retrouvée. Dans le geste simple, celui qui relie à la terre et à soi par une fine cordelette de jonc.
Guillaume Babarit n’est pas qu’un artisan, il est un philosophe du bois, un poète de la route, un passeur d’essentiel, pas forcément par les mots, mais par le geste.
En quelques images, il nous montre comment la beauté réside dans la simplicité, la liberté dans le dépouillement, l’art dans le geste humble et spontané. Un petit manifeste vivant que j’emporte en quittant la Flocellière, comme une brindille d’éternité.




Admirable 👍🍀🍀💛🎶💚
Très joli! Merci Isabelle et merci Guillaume! Qui sait, peut-être j'aurais moi-aussi une petite roulotte un jour😀