J’avais déjà été conquise par ce lieu il y a 30 ans, lorsque je l’avais visité avec mon ex-mari égyptien. Aujourd’hui, Siwa est restée fidèle à sa beauté et a plus ou moins résisté aux effets secondaires générés par les tentations voraces de la modernité, tels que l’abandon des constructions traditionnelles, la perte d’identité et l’invasion de la culture occidentale. C’est dans cet écrin de verdure que j’ai retrouvé Sama Gayed, l’une des Nominées de la Joie de Joy for the Planet en 2018 qui y a créé, seule, son « petit paradis ». Un exemple de courage et de détermination pour cette égypto-tessinoise qui a quitté la Suisse pour vivre son aventure intérieure.
J’avais rencontré cette pétillante femme lors de mon grand reportage d’une année à travers l’Europe en quête de gens ordinaires extraordinaires. J’avais réalisé la vidéo ci-dessous sur ce qui la faisait vibrer alors: danser pour tous les peuples du monde.
La vie de Samah aujourd’hui
À la fin du confinement, Samah Gayed a déposé sa grande jupe virevoltante au cœur du désert, en réponse à un appel profond. Peu étonnant pour une femme qui est née à Alexandrie en 1974. Depuis trois ans, cette thérapeute nomade y construit une chambre d’hôtes et y donne des soins holistiques sur « l’un des plus hauts lieux vibratoires au monde », selon les géobiologues. La montagne où elle a construit son domaine s’appelle « Dakrour » et on la dit « sacrée ». « J’ai bâti ma nouvelle maison sur le flanc de cette colline de rochers, sur le lieu même où les tribus anciennes se réunissaient pour se réconcilier. Moi qui ai toujours souhaité être une ambassadrice de la paix, ce n’est sûrement pas une coïncidence », raconte Samah Gayed, dont même le prénom signifie « pardon » en arabe. Après trois diplômes universitaires et des activités d’interprète et de médiatrice interculturelle (elle parle 7 langues), elle a écouté son destin en devenant fermière, entourée d’un âne, de trois chiens, de poules et de chèvres.
La magie de Siwa Perchée à l'ombre des montagnes du désert libyque, l'oasis de Siwa est un carrefour de civilisations, un lieu mystique où le temps semble suspendu. Isolée au nord-ouest de l'Égypte, près de la frontière libyenne, cette petite enclave, unique en son genre, a longtemps été un refuge pour une communauté d'origine berbère. Sa richesse ne réside pas seulement dans ses paysages contrastés, mais aussi dans la profondeur de son histoire, marquée par l'existence d'un oracle légendaire et une diversité culturelle insoupçonnée.
Les habitants de Siwa, les Siwis, sont des Berbères, descendants d'une lignée ancestrale qui a su préserver ses traditions, sa langue et sa culture, malgré les assauts du temps, les promoteurs immobiliers et touristiques. Leur héritage se distingue par un mélange coloré de coutumes africaines, arabes et méditerranéennes, mais aussi par la résilience face aux épreuves de l’Histoire. Leur langue, le siwi, un dialecte berbère, est toujours parlée et constitue un pilier essentiel de leur identité.
Les maisons de Siwa, construites en argile et en pierres de sel, témoignent de l'ingéniosité locale. Elles semblent faire corps avec le paysage désertique, marquées par la chaleur du soleil et le froid des nuits désertiques. Les palmeraies luxuriantes, les jardins d'oliviers et les lacs salés apportent un contraste poétique à cet environnement rude et sec. Chaque élément du paysage est une page de l'histoire de Siwa, chaque ruelle du village une mémoire vivante. « Comme je connais beaucoup de langues, j’ai remarqué que le Siwi est un mélange fascinant d’italien, de français, d’arabe et d’égyptien ancien, le copte, ce qui prouve que les Siwis sont un peuple très ancien », explique Samah.
L'Oracle de Siwa : entre histoire, égyptologie et spiritualité
Au cœur de cette oasis mythique, un autre élément a contribué à la réputation de l’oasis : l'Oracle de Siwa, un vestige fascinant du monde antique. Il a attiré, pendant des siècles, les plus grands personnages de l’histoire, dont Alexandre le Grand. En 331 av. J.-C., après sa conquête de l’Égypte, il se rendit à Siwa pour consulter l'oracle et lui demander s’il était bien le fils du dieu Amon. Ce dernier lui promit la divinité et l'immortalité, ce qui renforça son pouvoir et son aura. L'Oracle, dédié à Amon-Ra, le dieu solaire, était célèbre pour ses réponses énigmatiques, souvent codées, qui pouvaient transformer le destin des rois et des peuples. L'égyptologie moderne a cherché à décrypter ces pratiques spirituelles, mais elles demeurent partiellement inexpliquées, offrant une dimension mystique et sacrée au lieu. Sergio Volpi, égyptologue italien installé lui aussi depuis des années à Siwa, plus pragmatique, évoque plutôt la présence de prêtres tout-puissants, cachés derrière les dalles de pierre légendaires, qui auraient chuchoté à l’oreille des hommes pour influencer leur destinée. Il explique aussi que la Sybille de la chapelle Sixtine de Michel-Ange fait référence à la Sybille de l’Oracle de Siwa. À la fois les Sibylles de Michel-Ange et l’oracle de Siwa sont des vecteurs de cette sagesse divine et de la révélation cachée, souvent interprétées comme des intermédiaires entre les hommes et les dieux. Le site de Siwa était (et l’est encore) vénéré pour sa capacité à délivrer des vérités cachées et des réponses divines.
L'Oracle de Siwa n’était pas seulement un lieu de consultation pour les souverains. Il représentait aussi un centre spirituel important pour les habitants de l'oasis, où se mêlaient croyances berbères ancestrales et influences égyptiennes. Aujourd’hui, le site de l'Oracle, bien qu’en ruines, reste un lieu de pèlerinage spirituel pour ceux qui cherchent à se reconnecter à la sagesse ancienne de l’oasis et y trouver des réponses à leurs questions existentielles.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'oasis de Siwa, située en Égypte, a été occupée par les armées italiennes et allemandes en raison de sa position stratégique aux portes de la Libye. En 1942, les forces de l'Axe ont pris le contrôle de cette région pour assurer une ligne de ravitaillement et renforcer leur présence en Afrique du Nord, notamment pour se préparer à des opérations contre les Alliés en Libye. L'occupation visait également à sécuriser des routes cruciales dans le désert libyen et à perturber les lignes de communication alliées.
Le Siwa Moderne : entre développement et défis sociaux
Au cours des dix dernières années, Siwa a connu un développement économique notable, principalement dû au tourisme. Le rayonnement historique et spirituel de l’oasis a attiré une nouvelle génération de voyageurs en quête d'authenticité. L'infrastructure s’est améliorée, avec la construction de routes, d’hôtels et de services touristiques qui facilitent l’accès à cet endroit lointain et autrefois difficile à atteindre, tout en faisant l’effort de respecter l’esprit du lieu. Par exemple, il est interdit de construire des barres d’immeubles et le désert est protégé par des règles strictes. Mais jusqu’à quand vont-ils tenir?
Car ce développement a eu des impacts contrastés sur la population locale. D'un côté, le tourisme a permis une croissance économique grâce à la création d'emplois et à l'exportation de produits locaux, comme les dattes, les olives et l'artisanat siwi. Les habitants ont également bénéficié de meilleures infrastructures, comme l’accès à l’eau potable et à l’électricité. Mais ce développement rapide n’est pas sans conséquences. Le tourisme, lorsqu’il est mal régulé, a des effets négatifs sur l’environnement fragile de Siwa, avec une pression accrue sur les ressources en eau, l’érosion des paysages naturels et la pollution générée par l’afflux de visiteurs et les Siwis eux-mêmes. « Tout jeter par terre est culturel, parce qu’autrefois, avant l’arrivée du plastique, les déchets étaient organiques, nourrissant la terre et les animaux. Les habitants ont intégré ce geste séculaire dans leur quotidien et n’ont malheureusement pas encore compris que le plastique n’est pas biodégradable, mais un véritable polluant pour toute la vie », regrette Samah qui lance un appel à une ONG de bonne volonté désireuse de venir sensibiliser la population locale aux ravages du plastique. De plus, l’urbanisation et l’influence de l’extérieur commencent à modifier les modes de vie traditionnels des Siwis, qui sont tiraillés entre la préservation de leur culture et la nécessité de s’adapter aux exigences économiques modernes.
Pourtant, à mon plus grand soulagement, après 30 ans, Siwa est restée assez fidèle à mon souvenir. L’oasis est à la fois un sanctuaire spirituel, un héritage vivant de la civilisation berbère et un carrefour économique en pleine transformation. Ce peuple de 45’000 habitants (dont 15’000 Égyptiens et une centaine d’expatriés) cherche à rester fidèle à l’âme unique qui fait la richesse de cette oasis millénaire.
Dans quelques jours, je rentrerai en Suisse avec un beau programme de voyage à Siwa dans mes valises. Toutes les informations seront publiées sur le site www.planetpositive.org à partir du 1er février. Comme toujours, j’ai cœur à partager la beauté avec mes lecteurs en leur donnant aussi la possibilité de vivre directement l’expérience de la rencontre à l’autre dans la simplicité et l’authenticité, avec des activités interculturelles locales, une immersion dans une famille siwi, un plongeon dans les salines ou une journée dans la grande mer de sable du Sahara égyptien. Prévue en octobre, cette aventure de 10 jours (peut-être avec une étape de 2 jours au Caire) en compagnie de Samah Gayed et moi-même propose un retour à soi dans cet écrin de verdure et s’inspirer peut-être du chemin de Samah qui confie, avec son charmant accent italien: « Ici, j’ai l’impression d’être la personne la plus riche du monde, car quand on s’est trouvé, on ne manque plus de rien ».
Tout ce que tu nous envoies, chère Isabelle, est imprégné de joie, de vérité, de beauté, de vraie vie, de confiance et d'émerveillement. Autant ta personne que tes messages et tes informations vibrent d'une énergie qui est celle du VIVANT. Cela nourrit toutes nos cellules autant que la terre et l'humanité. En profondeur. MERCI. Avec toi sur cette fréquence. Toujours. Georges. Avignon.
Merci beaucoup Isabelle pour la qualité de cet article ( comme tous les autres d’ailleurs ). Je ne lis quasi plus que toi et tes sources.
J’ai été ravie de découvrir les richesses de Siwa et ces préoccupations. Je connais un peu Samah et je suis si heureuse d’entendre qu’elle est bien là bas et que vous organisez cette retraite. Ça donne très envie de vous accompagner.
Avec gratitude et joie.
Asha