J'ai rencontré Ziad sur les recommandations d'une connaissance commune qui m'a dit: "Isabelle, je sais que tu recherches des gens ordinaires extraordinaires. Je connais quelqu'un qui a une jolie histoire à partager". Quelques jours plus tard, je rencontrais Ziad Maalem.
Dans la chaleur des cuisines de l’École de la Découverte à Mies, Ziad, 42 ans, cuisinier franco-tunisien, orchestre chaque jour un concerto d’épices et de saveurs pour les enfants. Mais derrière les bonnes odeurs de cuisine, se cache une jolie fable pour les enfants, une "histoire pour de vrai": celle d’un orphelin qui a décidé de vivre son rêve. En mai prochain, il entamera l’ascension de l’Everest, le toit du monde.
Le 10 avril, son voyage débutera à Genève, direction Katmandou. Une aventure financée par des années d’économies et le soutien de quelques sponsors. Mais ce départ ne marque pas seulement le franchissement d’une frontière géographique : il scelle surtout le triomphe sur une enfance brisée. Maltraitance, deuil prématuré, foyers, errance: les premières années de Ziad furent un sentier escarpé, jalonné de souffrances. La perte de son père, à 14 ans, l’a laissé face au vide.
Alors qu'il se formait à l'école hôtelière L'Arlequin à Montbmelian, un homme lui a tendu la main : Olivier, professeur de sport, ancien parachutiste. Sous son aile, Ziad apprend à courir, à grimper, à respirer l’air libre. Là-haut, dans l’écrin des montagnes, il découvre une vérité : l’escalade des cimes soigne parfois les plaies invisibles.
Seul, il gravit le Pic Lénine au Kirghizistan (7134 m), le Kilimandjaro (5895 m), conquiert, seul, le Mont-Blanc, le Cervin et le Weisshorn. Chaque ascension est un dialogue avec lui-même, une conquête sur son passé. « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort », rappelait Nietzsche.
L’Everest, aujourd’hui, c’est plus qu’un sommet. C’est un hommage. Ziad dédie son ascension aux orphelins, ces enfants de l’ombre, et soutient l’association Porte-Bonheur d’Yverdon, qui accompagne chaque année 300 jeunes privés de famille. Il rêve d’un documentaire et d’un livre, mémoire de son parcours, pour recueillir des fonds et offrir un souffle d’espoir à ceux qui restent au pied de la montagne. Après plusieurs semaines de marche et de préparation, Ziad espère obtenir une fenêtre météo favorable autour du 10 mai pour se lancer à la conquête de lui-même.
Des fourneaux de Mies aux neiges de l’Himalaya, Ziad ne cherche pas seulement l’altitude. Il veut aussi prendre de la hauteur sur les événements abrasifs de l'existence et réhabiliter l'enfant déchu. Comme l’écrivait Albert Camus : « Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible. » J'ai monté ce film avec la matériel que m'a confié Ziad. Difficile de faire mieux. J'espère néanmoins avoir été fidèle à l'esprit de cet homme en mettant en lumière ce qui fait de lui un être à part et un personnage inspirant, dans la continuité de ce journalisme qui me tient à coeur, au service de la grandeur humaine.
super article !
Bonjour! Un petit détail, Isabelle: les neiges du Kilimandjaro ne sont plus éternelles depuis 25 ans!