Partie le 2 juillet depuis Yverdon (Suisse) à bord d’une Fiat 500 vintage de 1970 et customisée, je traverse l’Italie à la rencontre de gens ordinaires extraordinaires, dans l’esprit de mon aventure Joy for the Planet à travers l’Europe en 2018. Voici l'avant dernier épisode de ce périple d’un mois.
Michelle Cailler, Présidente du Mouvement Fédératif Romand (en photo ci-dessous en train de doucher Dolcezza) avec qui je collabore régulièrement, me rejoint pour quelques jours à bord de Dolcezza, début août. À travers le MFR, la célèbre activiste romande souhaite rendre à la Suisse un débat démocratique, dont elle a été privée depuis le début de la pandémie, aussi bien dans les médias que dans l’espace public. Michelle a été très courageuse et profondément impliquée depuis trois ans à protéger les droits et les devoirs constitutionnels des citoyens suisses. Avec le soutien de quelques bénévoles, elle s’est mobilisée sur tous les fronts, des manifestations pour une transparence démocratique aux campagnes électorales en faveur du respect de la liberté du choix vaccinal.

En partageant sa compagnie pour trois jours de voyage, je souhaite l’interviewer d’une part, et réaliser d’autre part le tournage d’une petite vidéo de présentation de l’événement unique en Suisse que nous organisons ensemble le 1er décembre à Nyon, un colloque sur le climat dépolitisé. Cette rencontre présentera, par une approche rigoureuse, les dessous de l’alarmisme ambiant, tout en aspirant à promouvoir un débat ouvert, non politisé et libre, sur l’évolution du climat et les questions sociétales et environnementales qui s’y rapportent. Comment le scientisme politique menace-t-il la science et l’État de droit ? Le réchauffement de la planète est-il un mythe ou une réalité ? Le CO2 est-il vraiment le gaz de la fin des temps ? Qu’en est-il des intrications politiques et économiques des mesures prises pour préserver le climat ?
Top départ!
Nous commençons notre périple par une rencontre étonnante qui nous est présentée par ma pétillante guide Verdiana Conti Baioni. Il s'agit de Patrizia Dalla Valle. Sa maison en soi est déjà spectaculaire, dans le style contemporain, entre lumineuses baies vitrées et meubles anciens rares et raffinés. Patrizia Dalla Valle est une artiste italienne reconnue pour son travail dans la mosaïque et la sculpture. Elle a été influencée par l'art byzantin de Ravenne qui jouent un rôle central dans son œuvre. Après avoir vécu pendant 30 ans à Ravenne, ancienne capitale de l'Empire romain d'Occident, elle utilise les mosaïques comme un art de la contemplation. Cette femme rayonnante et talentueuse a été largement exposée en Italie et à l'international, notamment à la Biennale de Venise, dans des musées à Rome et à La Havane, ainsi qu'au Parlement européen à Bruxelles. Elle a également été récompensée par des prix prestigieux, tels que le Prix international du festival d'art de Spoleto et le prix "Ponte Vecchio" en 2022 pour la promotion de la culture et des arts. À travers nos discussions, nous découvrons une personnalité clairvoyante, sensible et profondément libre, habitée par une vraie sagesse intérieure. Un reportage sur ses réalisations et sa philosophie est en cours de production. Elle a créé une bien sympathique chambre d'hôtes avec une piscine plutôt alléchante, jugez-en par vous-même!
En route pour Florence Depuis Ravenne où j'avais passé cinq jours dans un vieux palais, nous prenons la route en direction de Florence. À notre passage, de nombreux Italiens se retournent sur notre voiture, mais surtout sur cette « belle blonde » qui sourit à la fenêtre. Nous traversons le magnifique parc national de la Forêt Casentinesi. Nous roulons sur une petite route sinueuse qui serpente au cœur d’une forêt particulièrement dense, dominée par les chênes et les châtaigniers. Nous nous demandons bien quels animaux peuvent encore se frayer un passage dans cette végétation infranchissable. Nous apprenons qu’y cohabitent le loup, le daim, la martre, le cerf, le renard roux, le chevreuil, le sanglier et le blaireau. En apparence, les points d’eau sont invisibles, mais je sais que la forêt cache quelques petites cascades et ruisselets tapis sous les feuillages, très appréciés des randonneurs.
Michelle et moi avons un petit creux et il est temps de s’arrêter pour prendre notre repas de midi. Sur ce tracé plutôt désert, les restaurants se font rares. Michelle me signale une pancarte indiquant la direction d’un restaurant, mais les freins à tambour de ma Fiat Oldtimer ne me permettent pas de réagir assez rapidement pour prendre le virage. Je dois donc trouver un endroit où faire demi-tour. Je bifurque un peu plus loin et nous nous retrouvons avec le museau de Dolcezza au-dessus d’un ravinet. Confiante, je passe la marche arrière. Or, contre toute attente, au lieu de reculer, ma voiture avance dangereusement vers le vide ! Bon, ce n’est pas un précipice, mais assez haut pour finir aplati deux mètres plus bas! Et fin de l’aventure pour toutes les deux! Je tente une nouvelle fois d’engager la marche arrière, mais rebelotte, Dolcezza avance encore et cette fois, on ne rigole plus! Michelle m’a avoué plus tard qu’elle avait réfléchi au meilleur moment pour sauter en dehors de la voiture ! Pendant que je m’agite, je vois un peu plus loin un robuste paysan italien, les poings sur les hanches, qui observe en riant cette espèce de soucoupe volante aux couleurs italiennes qui va bientôt piquer du nez dans son champ ! Le front et les tempes perlantes de sueur, je sais que je n’ai pas droit à un nouvel échec. Je décide de ne pas tenter une nouvelle marche arrière ; je préfère utiliser les derniers 10 cm qu’il me reste pour avancer et braquer à fond sur la droite. Et ça marche ! Nous poussons un cri de joie et le jeune paysan applaudit ! Il me montre où faire demi-tour sur son champ fraîchement fauché et il regarde, abasourdi, ce petit pois tricolore qui fait des allées et venues sous son nez, avec deux quinquagénaires à bord, les cheveux au vent ! Pour la drague, c’est raté ! Il faudra attendre peut-être le prochain sauvetage…
Amusées, mais bien secouées, nous regagnons la route et avons hâte de découvrir ce fameux restaurant. « Avec toutes ces émotions, espérons que le bistro en vaille le coup ! » plaisante Michelle. Nous nous engageons sur la route de montagne qui y conduit et c’est finalement après 20 bonnes minutes de montée au milieu d’un vignoble qui n’en finit plus que nous arrivons enfin à destination. Et c’est une chance qu’il soit ouvert en pleine période de vacances ! Nous sommes stupéfaites de découvrir une exquise ferme gourmande agro-touristique, « Il Borgo in Colognole » tenu par un couple qui rafle tous les éloges sur Internet. Nous fêtons cette trouvaille autour d’un petit apéritif bien mérité, avec une vue magnifique sur le Val di Sieve et les montagnes du Chianti.

Après un repas absolument délicieux, cuisiné avec des produits frais par le couple lui-même, nous reprenons la route pour Florence. Sur le parking, comme je suis à nouveau garée au bord d’un fossé, cette fois je ne prends plus aucun risque et c’est Michelle qui se charge de pousser la voiture en arrière ! Après deux heures de route, nous arrivons à Florence. Il fait 40 degrés, nous sentons l’essence et la pinède.
Nous passons trois jours dans cette ville mythique où, entre nos séances de travail et notre temps libre, nous visitons le musée et l’atelier de bijouterie du célèbre maître-joaillier alchimiste Alessandro Dari sur qui j’avais réalisé un reportage lors de mon passage à Florence il y a un an. Ensuite, nous nous rendons au très amusant Musée des Illusions que je vous recommande, si vous cherchez à dissoudre, comme moi, toutes vos identifications, conditionnements et croyances.
"Lila" ou la « danse cosmique » de la création
J’ai toujours été fascinée par le monde des illusions. D’ailleurs, le mot sanskrit Lila signifie « jeu », « passe-temps » ou « divertissement ». Dans le Vedanta, je rejoins volontiers cette idée qui suggère que tout l'univers et toutes les expériences de vie, y compris la souffrance et la joie, sont des manifestations de la divinité dans un grand jeu cosmique. Ce n’est pas un jeu au sens trivial, mais une forme d’expression spontanée et libre de la conscience divine qui, comme un funambule, trouverait son équilibre entre le maintien et la destruction de la création. L'univers tout entier serait donc une immense mise en scène où chacun de nous jouerait un rôle temporaire. Cette simple prise de conscience permet de nous voir comme un personnage costumé, dont le rôle n'aurait rien à voir avec qui nous sommes véritablement. À l’image des poupées russes, je vois notre monde et son actualité comme des fictions emboîtées les unes dans les autres. Mon métier de journaliste éclectique m’a amenée à déchirer de nombreux voiles, à mettre à jour tant de mensonges et de manipulations, et en même temps, derrière tout cela, j’ai toujours entrevu une « constante » en l’homme et dans l'univers, mystérieuse et sublime. Je me suis donc intensément « prise au jeu » de chercher cette unité sous-jacente à tous les êtres vivants, comme dans une chasse au trésor, derrière le monde des formes, les distractions de l’esprit, la séparation et les divisions. Et plus je joue, plus j’explore, plus je démasque les comédiens et les décors, plus je perçois la nature impermanente du monde et son unité de mesure commune à toutes formes de vie, son « La » universel ou son Lila. Est-ce cela la joie?
Alors, comment se libérer et sortir de ce jeu à la fois paradisiaque et infernal ? Différentes traditions proposent des moyens de sortir de ce jeu des illusions : la méditation, la pratique de la pleine conscience, le détachement des désirs matériels, le service aux autres, l’éveil spirituel et tout ce qui permet de mettre son attention sur la vérité au-delà des illusions. En ce qui me concerne, c’est mon activité journalistique qui m’ouvre les portes pour tendre vers l’indicible beauté en l’Homme.
La visite de ce musée est une excellente et divertissante piqure de rappel pour nous aider à percevoir la réalité à travers les filtres de nos croyances, de nos conditionnements et de notre ego, et réanimer doucement, piégée depuis la nuit des temps dans les oubliettes de notre inconscient, notre nature spirituelle profonde. Et à travers mes écrits et mes reportages, c’est aussi un peu vers ce grand mystère que je propose de cheminer avec vous.
Florence, berceau de la perfection
Revenons à Florence. Malgré son tourisme de masse, qui ailleurs m’agace habituellement au plus haut point, la beauté omniprésente de cette ville supplante ce qui pourrait passer pour de la laideur, comme les tenues vestimentaires effrayantes des touristes ou quelques déchets épars. On ne les voit presque plus. Cette beauté toute puissante réside dans la manière dont la cité toscane a su harmoniser l'art, la spiritualité et la philosophie dans un seul et même souffle créatif. Il n’est pas difficile de percevoir combien Florence a toujours placé l'être humain et ses capacités multidimensionnelles au centre de la réflexion philosophique.
Michelle Cailler, elle-même engagée sur un chemin spirituel, est attirée, comme moi, par la vraie lumière ; et nous nous émerveillons de l’éclat doré et intense si particulier à cette ville. Il est souvent dit que la lumière caractéristique à Florence et à la Toscane a eu un impact profond sur les artistes de la région. Elle a donné naissance à des génies tels que Leonard de Vinci, Michel-Ange, Botticelli, Donatello et mon bien-aimé Fra Angelico, appelé aussi « le peintre des anges ». L’année dernière, j’avais organisé un séjour d’une semaine à Florence avec la psychothérapeute Ariane Bilheran et nous avions exploré la figure littéraire de Dante Alighieri, qui, dit-on, y aurait écrit La Divine Comédie, une œuvre qui combine une vision spirituelle profonde avec un amour pour la beauté littéraire et l’exploration de la condition humaine.
J' ai voyagé dans le monde entier, du Taj Mahal aux pyramides du Caire, en passant par Ispahan (Iran), Paris, Prague, Kyoto ou la prairie du Rütli, au cœur de la Suisse. Je dois avouer que cette quête de perfection matérielle et spirituelle est particulièrement aboutie à Florence, qu’elle soit sous une dalle de l’église Santa Maria Novella, une statue de la Piazza della Signoria, ou sur le sol marbré de sa station ferroviaire, dans un graffiti de rue ou dans ces dômes de glace artisanale géants, dont j’ai largement abusé !
La veille du départ de Michelle, nous finalisons le tournage de notre présentation de notre colloque dans les petites ruelles qui jouxtent notre chambre d’hôtes. Nous rions aux larmes, parce que nous devons nous y reprendre à plusieurs fois, entre bredouillages, le bruit de la moto qui passe derrière, un éclairage pourri qui renforce l’ombre d’une narine, une erreur de date, un « blanc » ou la caméra qui pointe accidentellement sur une chaussure.
Après une dernière soirée pleine d’amitié, nous préparons nos valises. Michelle Cailler reprend l’avion pour Genève et ma petite monture tricolore et moi-même filons vers le Tessin où j’ai rendez-vous avec un autre esprit libre, "Icaros", qui fera l’objet d’un prochaine interview sur Planète Vagabonde.
Hommage à Maestro Pistolesi
Je ne peux pas clore cet article sans rendre hommage à un personnage de Florence qui m'a profondément marquée, que j'avais rencontré lors de ma traversée européenne à bord de mon camping-car en 2018 avec mon projet Joy for the Planet et mon film "La route de la joie". Il s'agit de feu Maestro Silvestro Pistolesi, un grand maître de la peinture décédé il y a un an, un artiste prodigieux qui utilisait une technique qui remonte à l’Antiquité, le fresco (peinture murale à fresque), la même que celle pratiquée par Michel-Ange et Raphaël. Il était connu pour ses fresques religieuses dans les églises et sanctuaires en Italie et dans le monde. Il vivait très modestement avec sa femme dans un minuscule appartement et atelier. "La beauté ne paie plus aujourd'hui, me disait-il. Plus personne n'a le temps de s'arrêter sur le sacré, la poésie, ni de se pencher sur une icône". Son œuvre m'avait infiniment touchée pour sa recherche de transcendance et son expression spirituelle à travers l'art. Émue par sa situation, comme par la grandeur de ses propos et de son oeuvre, je lui avais acheté une petite toile illustrant un pèlerin. J'ai réalisé un reportage sur cet homme tellement inspirant. Puisse-t-il aujourd'hui siéger paisiblement à droite de Celui à Qui il a consacré sa vie, donné son coeur et la perfection de son art.
Isabelle Alexandrine Bourgeois

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