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Vincent Message, une écologie du regard

Chronique d’Élodie Perrelet, créatrice du blog littéraire La Vie Ardente

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Lorsque l’on ouvre un roman de Vincent Message, on entre dans un paysage où le réel se fait dense: non pas spectacle, mais matière à penser. De ses débuts à aujourd’hui, l’auteur s’attache à regarder le monde tel qu’il est — avec ses fragilités, ses tensions, ses silences — et à interroger notre manière d’y habiter.


Son œuvre ancienne — par exemple Les Veilleurs (2009) ou Défaite des maîtres et possesseurs (2016) — posait déjà cette exigence: quelle place pour l’humain lorsque les certitudes s’effondrent? Dans «Défaite …», l’anticipation est un miroir: l’humanité perd son statut de «maître», et par là Vincent Message nous oblige à interroger le rapport de domination — non seulement entre humains, mais entre vivants.

Puis, dans Cora dans la spirale (2019) il aborde la crise intime, dans le contexte du travail, du burn-out, des errances modernes. Son écriture reste calme, attentif aux corps, aux voix qui s’épuisent.

Et encore dans Les Années sans soleil (2022) la conscience du temps qui s’amenuise, la recherche d’un sens au-delà de la productivité.


Mais c’est avec La Folie Océan que le propos se révèle avec une intensité nouvelle. L’ouvrage met en scène Maya, biologiste «spécialiste du plancton», et Quentin, plongeur militant, sur la côte bretonne: l’enjeu n’est plus seulement humain, mais marin — il s’agit de biodiversité, d’océan, de chalutiers industriels, de vie sauvage.

Ce passage au «vivant» — au-delà des humains — est peut-être ce qui donne à Vincent Message aujourd’hui sa densité la plus aboutie: l’écriture se fait terrain, écologie, combat silencieux et sans pathos. Il raconte la beauté du monde – celle des oiseaux, des phoques, du plancton – mais aussi son effondrement inaperçu. Et par ce double regard — émerveillement et urgence — il accorde à son style la gravité douce qui lui est propre.


Son écriture est sobre: des phrases limpides, une retenue dans l’émotion, mais une attention soutenue aux détails — comme si chaque mot porte la vie et ses marques. Il privilégie l’observation sur le sermon, la description sur le pamphlet. À cet égard, Vincent Message ne fait pas œuvre d’urgence médiatique, mais œuvre de patience et de vérité: il sait que la crise écologique n’a pas de raccourci, pas de slogan, mais des gestes, des fêlures, des êtres qui tiennent — ou qui cèdent.


Et c’est aussi là que se joue son engagement: non pas posture spectaculaire, mais présence discrète et pleine aux enjeux du monde — marins, terrestres, humains. En abordant les conflits liés à la pêche industrielle, aux ressources marines, à la fragilité des écosystèmes, il inscrit sa fiction dans l’urgence de notre époque sans céder au catastrophisme. Il écrit pour témoigner, pour nommer ce qui n’est plus invisible, et pour inviter à regarder.


En définitive, la littérature de Vincent Message est nécessaire. Elle nous rappelle que la fiction peut être un lieu de vigilance — et de poésie. Que regarder le monde, ce n’est pas seulement le contempler, mais lui répondre. Et sa voix, sobre et forte à la fois, est l’une des plus singulières de sa génération.

 
 
 

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